Mouvement de Résistance Sociale aux Conditionnements Psychologiques Créés par les Médias et par les Pouvoirs Politiques.
VOL. 01Saturday 7th December, 2024NO.001

Little Brother‏
Source

Par Stéphane Laporte, collaboration spéciale
La Presse

Le samedi, 5 mars 2011 -Dans 1984, l'auteur britannique George Orwell décrit un monde sous haute surveillance. Il y a des caméras partout, dans les lieux publics, au travail et à la maison. Elles permettent au régime totalitaire d'observer le citoyen en tout temps et de contrôler sa pensée. Big Brother is watching you. Cette oeuvre, parue en 1948, est devenue un classique de la science-fiction.

On a à maintes reprises vanté les qualités prémonitoires de ce roman tant la description du monde à venir semble correspondre à la société actuelle.

Bon d'accord, Orwell était un peu pressé. En 1984, il n'y avait pas encore de caméras partout. On hésitait toujours entre le format Beta ou le format VHS. Les téléphones mobiles étaient gros comme des poêlons. Et la seule émission de télé qui ressemblait un peu à une téléréalité était Information voyage, durant laquelle l'animateur Robert Viau présentait ses films de vacances. On était loin de Loft Story ou d'Occupation double.

En 1984, il était un peu trop tôt pour l'instauration de la dictature de la vidéo. Mais en 2011, on peut dire sans hésiter que c'est fait. La caméra est là. Et là. Et là. Et là aussi. La prédiction d'Orwell s'est réalisée. À une nuance près.

Il y a des caméras dans les commerces pour surveiller la clientèle, il y a des caméras sur les routes pour donner des contraventions aux automobilistes, il y a des caméras rue Saint-Denis pour identifier les vendeurs de hasch. Il y a des caméras dans les quartiers résidentiels pour aider Google à faire ses cartes. Bref, il y a des caméras partout pour observer l'activité humaine. Big Brother nous regarde.

Mais il n'y a pas que lui qui regarde. Little Brother aussi a les yeux ouverts. Le petit frère ne se laisse pas faire. L'arrosé devient arroseur. Le citoyen épié devient à son tour espion. C'est la grande différence avec le roman d'Orwell. L'individu ne se laisse pas bêtement filmer, il filme lui aussi. Et, du coup, tout va très vite.

Avant même que les grands réseaux d'information continue n'arrivent sur les lieux, l'événement est déjà vu. Un badaud a tourné avec son téléphone cellulaire la révolte en Tunisie. Ses frères ont vu le film sur YouTube. Et ça met le feu aux poudres.

Facebook et Twitter transmettent les infos d'ordinateur maison à ordinateur maison. Quand Anderson Cooper débarque avec son brushing, l'Histoire s'est déjà écrite.

On peut cacher de moins en moins de choses au regard du peuple. Parce que le peuple est équipé. La technologie est dans les mains de la masse. La technologie devient une masse. Voilà pourquoi le monde change.

Prenez l'affaire Galliano. Une diva de la mode, complètement faite, insulte des clients dans un restaurant en tenant des propos antisémites.

En 1984, l'anecdote aurait probablement fini là. À moins que les clients aient porté plainte. Alors là, le processus juridique aurait suivi son long cours tranquille. Ç'aurait été la parole de clients anonymes contre celle du puissant styliste. Des années de procédure. Galliano aurait eu le temps de broder bien des collections.

Mais nous sommes en 2011. Dans le resto, quelqu'un a filmé la scène. Et un journal l'a mise sur le web.

Le tribunal de l'opinion publique a vu Galliano crier son amour pour Hitler et vociférer ses remarques antisémites. Ça n'a pas traîné. La maison Dior a dit à son couturier d'aller se rhabiller. Va jouer Di-or!

Aucune défense possible. Nous l'avons tous vu. Out! Au suivant!

C'est la nouvelle réalité. Little Brother est partout. Deux policiers dorment dans leur voiture, ils se font filmer. Un policier fesse avec trop d'entrain sur quelqu'un, il se fait filmer. Un parent malmène son enfant dans un magasin, il se fait filmer. Ça ne fait que commencer.

La planète est devenue un immense plateau de tournage pour cinéastes amateurs. Les comportements violents, disgracieux ou dégradants sont les nouveaux vidéoclips. Ils soulèvent des passions au point de provoquer des révolutions. C'est la chasse à l'abjection.

L'image est la plus accablante des preuves. Les sentences tombent à la vitesse de la lumière. On n'endure plus le pétage de coche.

La meilleure façon de mettre fin à la folie de ceux qui abusent de leur pouvoir, c'est tout simplement de les montrer.

Big Brother nous regarde, mais on le regarde aussi. En le tenant par la barbichette. Le premier qui rira aura une tapette.
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