Roms et Gens du voyage : La France qui fait honte au pays des droits de l’homme !
Rude mois de Juillet 2013 pour Roms (1) et Gens du voyage en France, les déclarations de plusieurs politiciens Français sont éloquentes : celles de Jean-Marie Le Pen avec « présence urticante et odorante», de Christian Estrosi (ancien ministre) qui parle de « comportements délinquants» et qui a concocté un « mode d'emploi » pour combattre les Roms, et pour finir crescendo avec Gilles Bourdouleix (député-maire de Cholet) : « Comme quoi, Hitler n'en a peut-être pas tué assez » ! Suite à cette dernière, un sondage en ligne (retiré depuis) du journal le point propose de se positionner par rapport à de tels propos et 15% des français votants déclarent partager cette idée !
Dans ce contexte, seriez-vous étonnés d’apprendre qu’une expédition punitive a été organisée fin Juillet envers des Roms dont certains furent grièvement blessés (27 07 2013 en Seine Saint-Denis) ?
A Marseille, des fiches descriptives de l'appel d'offre d'installation de caméras de surveillance, portent les mentions « Roms » ou « gens du voyage » en violation totale des principes fondamentaux des libertés publiques, comme le confirme Christophe Madrolle, vice-président MoDem de la communauté urbaine de Marseille.
Dès 2005-2006, le « Retour Volontaire », un concept popularisé par l’ancien président français Nicolas Sarkosy, se positionne dans un contexte de confusion entretenue d’incitations au retour, d’expulsions de campements Roms et de déclarations tonitruantes. Précisément, la prime de retour volontaire de 300 € du gouvernement Sarkosy (coût 18 millions € en 2010 par exemple) fut dénoncée par la police. En effet, ce bel exemple de manipulation médiatico-politique aurait en fin de compte financé encore plus de Roms à venir et à revenir en France … compte tenu du coût du trajet en bus Roumanie-France à partir de 60 € par personne !
L’ensemble de ces actions et déclarations du gouvernement Sarkosy avait déclenché de vives critiques au sein de l’ONU et du conseil de l’Europe entre autres… L'ONU dénonçait encore l'amalgame entre Roms et gens du voyage. En effet, le nombre des gens du voyage de nationalité Française avoisinant les 400 000 personnes, semblerait justifier pleinement la prise en compte politique et sociale de cette communauté.
Aujourd’hui, l’amélioration du traitement des Roms pourtant attendue avec le nouveau gouvernement de François Hollande, se fait cruellement attendre et la France est de nouveau pointée du doigt par l’ONU en raison du caractère illégal des expulsions collectives, mais aussi de carences dans la scolarisation ou encore plus généralement concernant un climat d'hostilité préoccupant à l'égard des Roms en France !
Une loi sur les aires d’accueil teintée d’incompétence ou de mauvaise volonté ?La loi votée en 2000 sur l’obligation de réalisation d’aires d’accueil pour l’accueil de Roms ne s’inscrit pas dans la pratique. Seule une moitié des aires existe réellement et moins encore pour d’autres types d’aires, comme celles dites de « grand passage », tellement importantes pour les mouvements saisonniers de grand flux de Roms.
Dans les Alpes-Maritimes par exemple, où le cas de Nice et des propos son maire Christian Estrosi ont défrayé la chronique, 15% du nombre prévu existent effectivement, et aucune aire dite «de grand passage» ! Si Nice dispose bien d’une aire de stationnement, la loi y prévoit l’obligation d’une deuxième plus grande, inexistante celle-ci. Mais l’essentiel pour certains politiques semble de faire un «buzz» avec des visées purement électoralistes !
La loi, valable sur le fond, avait omis des sanctions convaincantes pour les villes et régions récalcitrantes d’une part, mais aussi en cas de débordement de la part des Roms… Dans le cas où les villes et collectivités locales respectent la loi et les quotas prévus, il semblerait logique d’appliquer la plus grande fermeté en cas d’occupations illégales de la part des Roms. La démission du maire de la commune de Guérande, illustre le désarroi d’un élu sensible au respect de cette loi mais abandonné par celle-ci en terne de recours concret et efficace face à des occupations illégales !
Cette même loi porte encore de nombreuses interrogations : La loi prend-elle en compte l’état des terrains par exemple dans le cas d’un terrain boueux impropre à l’installation de caravanes ? Comment sont fixées les tarifications et participations demandées aux Roms pour demeurer sur ces aires (électricité, eau, ordures ménagères) ? …Un manque de clarté regrettable qui bien sûr débouche sur des débordements, puisque l’application de ces paramètres dépend de la bonne volonté des communes et collectivités ! Là encore, Nice est pointée du doigt par Alain Daumas, président de l'union française des associations tziganes, accusant la commune de pratiquer dans son aire d’accueil des tarifs prohibitifs de 4 à 5 fois supérieurs à ceux constatés généralement.
Etat des libertés des Roms…Abrogé par le Conseil constitutionnel en 2012, le carnet de circulation obligatoire pour les Roms a été jugé par cette institution comme une «atteinte disproportionnée à l'exercice de la liberté d'aller et venir» et comme constituant une réelle «différence de traitement» contraire au principe d’égalité.
Cette discrimination, officialisée par une loi de 1969, puis amendée récemment contenait également l'obligation pour les Roms de faire valider ce carnet tous les trois mois par les forces de police. Si cette règle n'était pas respectée, le contrevenant s'exposait à une peine de prison allant de trois mois à un an…
Dans ce carnet de circulation, devait figurer la couleur du teint et la corpulence, mais également la taille, la couleur des yeux et signes particuliers. Dans l'ancienne version, se souviennent les anciens, devaient figurer les dimensions du crâne, du pied gauche ou encore de l'humérus. ..Et certains Roms de faire le lien avec la 2ème guerre où ce type de document avait permis de repérer et de déporter plus facilement les membres de cette communauté ….Le réalisateur Tony Gatlif rappelle lui que les camps de Roms en France n’ont été libérés que plusieurs mois après la fin de la guerre … Autre exemple tristement édifiant en Gironde : l’apposition d’une plaque commémorative d’un camp à la mémoire de politiques, étrangers et juifs internés, omet les nomades pourtant nombreux.
Les Roms doivent encore passer au moins trois ans dans la même «commune de rattachement» pour avoir le droit de voter.
Le nombre de gens du voyage sur une même commune ne peut excéder un quota de 3 %... et ces dispositions n’ont pas été annulées par le conseil d’état qui maintien également le livret de voyage, non abrogé.
Jean-Claude Peillex, un forain de 45 ans rattache à la ville de Marseille, conteste le droit des communes à fixer un quota de 3 % de gens du voyage sur leur sol, et s’interroge : « Le fait-on pour la communauté juive ou musulmane? »
L’homme, assisté de son avocat, Me Olivier Le Mailloux, a l’origine du recours devant le conseil d’état, réclame juste des papiers d'identité qui ne discriminent pas son identité.
Fier de ses origines, il relate les origines de l’histoire de sa famille dans le spectacle à la cour de Louis XIV, de son grand-père résistant, de son père lors de la guerre d'Algérie, et des grands-parents de sa compagne morts pour la France qui reposent à Verdun…. Inscrit au registre du commerce (RCS), et fier d’être imposable, il s’acquitte des mêmes devoirs que tout français et aimerait bénéficier des mêmes droits ! Il constate à regret une liberté de circuler en Italie par exemple, que dans son propre pays.
L’inscription « Liberté, Égalité, Fraternité » des anciens carnets de circulation pour Roms, ressemblait en effet à un cynique clin d’œil ; et pour l’association France Liberté Voyage, «Le régime du livret si il est moins scandaleux, maintient toutefois un statut spécial pour les gens du voyage».
Peut être, faudrait-il commencer par repenser un statut Roms adapté mais scrupuleux sur le principe d’égalité, pour créer des bases justes, solides et solidaires ?
Préfèrera-t-on, du côté des autorités politiques françaises, laisser les choses se dégrader et voir se multiplier propos et incidents anti Roms ?
Au risque d’enterrer définitivement l’image de la France, pays des droits de l’homme, déjà bien écornée ces dernières années, avec de multiples condamnations internationales dans les domaines des traitements carcéraux, concernant le traitement des étrangers ou encore celui des minorités religieuses …
(1) Tout au long de cet article, l’utilisation du mot « Roms » désigne l’ensemble des Roms et gens du voyage sans pour autant les amalgamer, ni ignorer les spécificités des Roms étrangers par exemple roumains et bulgares etc.…, ni des gens du voyages de nationalité française. Ici, le terme « Roms » englobe donc, sauf précision supplémentaire, toutes ces communautés ou terminologies (gitans, tziganes, manouches etc. …) dont aucune n’est réellement universelle.